C’était trop tentant. À l’origine, Valer avait été sollicité pour donner forme, et démesure, à une œuvre qui ne lui appartenait pas. Aux murs du lycée Loritz, à l’aplomb du tout nouveau jardin partagé piloté par l’établissement, devait s’inscrire en effet le dessin d’une des élèves, lauréate d’un concours interne. Mais entre la feuille de papier, et l’immense toile de béton, un vide s’ouvrait que seul un artiste aguerri pouvait espérer combler. La mission en a été confiée à Valer, connu entre autres pour savoir faire les choses en grand…
Ainsi a-t-il matérialisé cette main androïde et bionique d’où s’élance une fleur dans toute sa simplicité naturelle. L’œuvre d’Apolline Zordan.
Mais le loup était en quelque sorte entré dans la bergerie. Et le loup Valer, à voir ces 70 mètres de mur s’étendre de part et d’autre de l’œuvre pour laquelle on l’avait sollicité, ne peut résister à faire une proposition : occuper l’espace restant.
Une nacelle étant à disposition, et le lycée désireux de faire de cet endroit un lieu horticole, convivial ET culturel , Valer reçut carte blanche. Et put ainsi se lancer dès juillet dernier dans l’exécution d’une de ces fresques dont il a la spécialité. Et dans un style, très graphique, qui lui est propre : les lettres en 3D.
C’est ça, son blaze
Dans les faits, le profane peine a à décrypter les mots (et même parfois à en détecter les lettres), le geste artistique primant de beaucoup sur la sémantique. Un style forgé au fil d’un parcours qui débuta à l’âge de 16 ans. L’homme en a 39 à présent.
« Effectivement, j’ai connu le mouvement graffiti à ses débuts dans la région », se souvient l’intéressé, aujourd’hui devenu pro. « À l’époque, on a pu faire nos armes sur des sites comme l’ancienne cartonnerie de Laneuveville. On était une petite équipe d’une dizaine à peu près, on s’était entendu avec le gardien de l’époque, et on avait tout repeint ! » De cette époque dont il parle avec une pointe de nostalgie, « parce que l’esprit de groupe était très fort », il conserve un nom. Le fameux blaze. « Ça vient de ça, le graff : marquer son nom. Et ça fait partie de mon ADN encore aujourd’hui. » Ce qui le singularise un peu dans le monde du street-art contemporain où le graffiti s’est sensiblement effacé au profit de fresques monumentales figuratives. « Mais j’ai moi aussi appris à en faire autre chose. » Que seuls les initiés parviennent à décrypter certes, mais les autres admirent tout à loisir l’énergie irrésistible d’un art abstrait… qui n’en retient pas moins le regard. « Du graffiti moderne en quelque sorte. » Or cet art, il en fait état dans le lycée même qu’il a autrefois fréquenté. Un retour à la source qu’il apprécie comme un « honneur ». Un honneur évidemment haut en couleur.
Le projet de cette fresque lettrée au lycée s’inscrit dans le cadre de RUN, Rencontres Urbaines à Nancy. Photo L.G.
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